PROJET de BUDGET 2004

REPUBLIQUE FRANCAISE
CONSEIL GENERAL DES HAUTS-DE-SEINE
____________ _________

SEANCE DU CONSEIL GENERAL
DES 18 & 19 DECEMBRE 2003

 

RAPPORT N° 03.435

SUR LE PROJET DE BUDGET 2004

INTERVENTION DE MICHEL LAUBIER

Monsieur le Président, Chers collègues,

" Le contexte économique actuel dans lequel s'inscrit la préparation du budget 2004 est délicat : croissance ralentie, remontée du chômage, investissements des entreprises et consommation des ménages en baisse ".

C'est par ce constat d'échec que vous démarriez il y a deux mois à peine votre rapport de présentation des orientations budgétaires pour 2004.

Je pense que vous êtes encore bien éloigné de la réalité : le contexte actuel n'est pas seulement délicat, il est catastrophique pour des milliers d'habitants de notre département, comme il l'est pour des millions de nos compatriotes.

En réalité, tous les indices dont nos médias raffolent sont au plus bas pour la majorité gouvernementale : celui du chômage, celui de la consommation, celui de la croissance, et je ne parle pas de l'indice de popularité de la plupart de nos dirigeants, Premier ministre en tête.

Toute la politique menée par le gouvernement Raffarin est mauvaise pour le pays, nuisible pour les citoyens, très dangereuse pour les perspectives d'avenir. Tous les indicateurs le démontrent.

Seuls le MEDEF et les forces dominantes de ce pays se frottent les mains, avec un gouvernement travaillant à forger la nation à leur convenance, supprimant un à un les droits et les acquis successifs que des générations entières avaient mis des décennies à obtenir.

En à peine deux ans, les dégâts sont déjà considérables : appauvrissement du droit du travail et des droits des salariés, remise en cause de nos retraites et des services publics, affaiblissement de l'Etat distributeur des richesses, le tout chapeauté par le dogme de plus en plus prégnant de la concurrence, impulsé par Bruxelles et l'Europe libérale.

Dans ces conditions, comment appréhender ce budget 2004 du conseil général ?

La question mérite d'être posée car les Hauts-de-Seine jouissent d'une situation particulière, nous le savons bien.

Nous vivons dans un département dont la richesse déjà considérable s'accroît sans cesse, alors que les inégalités se creusent et la pauvreté gagne chaque jour du terrain.

Nous pourrions ainsi travailler à réduire de façon spectaculaire cette fracture entre les populations diverses de notre département. Nos moyens financiers peuvent nous le permettre.

Il faudrait pour cela que nous choisissions d'inverser un certain nombre de nos choix, impulser d'autres politiques, faire preuve de davantage de créativité. Mais nous constatons une fois de plus qu'il n'en est rien, que ce n'est pas la volonté de la majorité départementale.

Une fois de plus, ce budget ressemblera au précédent, qui déjà ressemblait au précédent, et ainsi de suite …

Que peut-on en dire aujourd'hui?

D'abord que les ressources des Hauts-de-Seine sont considérables. Le rapport sur la péréquation interdépartementale, présenté au Sénat au mois d'octobre dernier, donne à cet égard un éclairage intéressant sur les possibilités des Hauts-de-Seine.

On peut ainsi noter, par exemple, que le potentiel fiscal du 92, indépendant des taux que nous votons au sein de cette assemblée, représente plus du double de la quasi-totalité de celui des autres départements français !

Pour mieux mesurer ces différences, précisons que nos voisins des Yvelines, qui sont bons deuxièmes dans cette catégorie, arrivent loin derrière nous, avec un potentiel fiscal ne représentant que 58 % du nôtre !

Il est évident que nous ne jouons pas dans la même catégorie, pour utiliser des termes sportifs !

En ce qui nous concerne, plutôt que de nous en réjouir, cette situation nous rend avant tout amers, car nous n'utilisons pas ce potentiel énorme à bon escient.

Bien sûr, il peut toujours être dit que des actions sont menées, que des moyens importants y sont consacrés, mais c'est le moins que nous puissions faire, et tout cela manque globalement d'ambition.

Un exemple parmi d'autres, le transfert complet de la gestion et du financement du dispositif RMI dans le cadre de la décentralisation. Ce nouveau désengagement de l'Etat aurait dû faire réagir les élus de la Majorité Départementale : en vain, les Hauts-de-Seine vont obtempérer sans mot dire, ou si peu, juste pour la forme.

Cette observation pourrait d'ailleurs s'appliquer à tous les domaines se rapportant aux projets de décentralisation portés par le gouvernement Raffarin et sa majorité parlementaire. Bon nombre de collectivités locales de notre pays sont en effet inquiètes de l'avenir qui leur est réservé, à la fois par les conséquences de cette loi et par l'avenir de la fiscalité locale, qui s'annonce bien sombre pour les moins avantagées d'entre elles.

Là aussi, la réaction ne se situe qu'à la marge, alors que nous avons connu hier un conseil général autrement plus réactif aux actions d'un autre gouvernement…

Trop souvent donc, alors qu'il pourrait jouer un rôle décisif, le conseil général se contente d'accompagner les décisions portées par d'autres.

Ainsi, dans le domaine de l'emploi, préoccupation n°1 de nos concitoyens, les alto-séquannais sont en droit d'attendre autre chose de leur conseil général.

Pour reprendre ma démonstration par les chiffres, celui du niveau de chômage est alarmant pour un département comme le nôtre qui dispose d'atouts uniques en matière économique.

En deux ans, le taux de chômage a augmenté de 36 %, et aucun signe tangible ne nous permet de croire que cette tendance lourde va s'inverser.

Vous nous proposez bien de financer des séries de stages et de formation, mais c'est notoirement insuffisant. Ce que nous attendons du département, c'est un engagement ferme contre les fermetures d'entreprises, contre les licenciements de toute sorte qui n'épargnent pas notre département, nous l'avons constaté ces derniers mois.

L'élargissement de l'Europe à 25, dans un premier temps, risque fort de provoquer une nouvelle vague de délocalisations, en particulier dans un secteur industriel qui a déjà beaucoup souffert ces dernières décennies.

Nous aimerions que le conseil général s'engage, aux côtés des salariés, dans le maintien de ces emplois que nous savons d'ores et déjà menacés.

Mais le conseil général se contente de suivre la politique de l'Etat, et manque l'occasion de mettre en œuvre une politique à la fois originale et attendue par la population.

Ce n'est pas le futur RMA, cher à M. Fillon et au patronat, qui répondra à l'attente des milliers de précaires de notre département…

Mes collègues du groupe communiste sont déjà intervenus dans les différents secteurs d'activité. Sans revenir sur les détails qu'ils ont su développer, il est désormais important de pointer quelques éléments forts :

Dans le domaine de l'action sociale, nécessairement lié au précédent, nous sommes largement intervenus, à plusieurs reprises, dans le débat.

Je voudrais néanmoins rappeler certains points qui nous paraissent essentiels :

· Ainsi notre demande maintes fois réitérée dans cette enceinte visant à ouvrir la prise en charge des aides à domicile dès le dépôt du dossier de l'APA
· La mise en œuvre d'une autre politique en direction de la petite-enfance, s'attachant davantage à répondre aux besoins de places de crèches dans notre département qu'à favoriser des modes de garde individuels. Là aussi, vous vous situez dans le droit fil de la politique du Gouvernement, alors que pour nous, il s'agit d'offrir aux parents un vrai choix du mode de garde de leurs enfants. A cet égard, M. Gantier nous a d'ailleurs fait hier une remarquable démonstration en matière de désengagement du département...
· Autre point important, c'est les développement d'une politique offensive d'embauche de travailleurs sociaux, pour répondre aux besoins croissants des populations démunies de notre département.

Dans ce secteur social aussi, la politique du conseil général manque donc de souffle.

Vous nous avez montré ce que fait le conseil général en matière sociale, le 14 novembre dernier, lors d'une nouvelle séance thématique.

Ce que nous en retenons, c'est avant tout la qualité du travail effectué chaque jour par le personnel social du département, beaucoup plus que l'expression d'un vrai dessein dans ce domaine qui se situe pourtant au cœur des attributions des départements.

Vous accordez beaucoup de subventions aux associations, ce que nous approuvons - et nous avons toujours milité pour renforcer leurs moyens d'actions et pour travailler en lien étroit avec elles -, mais cela ne démontre pas une ligne politique très volontariste de la part du département.

Le domaine scolaire n'échappe pas à cette critique : nous avons pris bonne note de l'accroissement du budget de construction des collèges, ce qui répond pour partie à notre demande de plan d'urgence de construction de collèges pour alléger leur fréquentation. Pourtant, beaucoup de points ne sont pas satisfaits :
· C'est le cas de notre demande de bourse pour les collégiens. Je me demande, Monsieur le président, quand vous déciderez-vous à arrêter de gagner du temps sur ce sujet qui nous apparaît comme étant à la fois significatif et légitime ! voici plusieurs années que nous réclamons l'instauration de ce statut qui visa avant tout à lutter contre les risques d'échec scolaire à un âge où beaucoup de choses se déterminent dans la vie d'un jeune.
· Nous persistons bien sûr à réclamer le maintien des subventions de fonctionnement accordées aux collèges de notre département.
D'abord parce qu'il nous semble fondé de discuter avec les conseils d'administration, avant de prendre des décisions de baisse de subvention pour apprendre aux établissements à mieux se gérer.
C'est ensuite une décision de principe, lorsque l'on constate que les aides au pôle Léonard de Vinci sont elles maintenues à leur niveau, alors que sa fréquentation ne décolle toujours pas (je rappelle en effet qu'à lui tout seul, il consomme, cette année encore, plus de crédits que les quelque 90 collèges du département)!
Que dire enfin du renoncement du Conseil Général à l'aide à la demi-pension dans les collèges! 35 % de baisse de crédits pour cette action sociale importante du département, alors que nous attendons toujours les chiffres précis de fréquentation et de bénéficiaires de cette aide départementale que vous vous étiez engagé à nous communiquer.
Cette décision n'est pas acceptable, pas plus que ne l'a été la non-réponse apportée hier par Monsieur Dova sur cette question.

Le domaine de l'Habitat, enfin, présente lui aussi des caractéristiques de cet attentisme départemental.

Voilà un des sujets qui fâchent, vous le savez bien. Car bien que vous vous en défendiez, la politique menée n'est pas convenable.

On ne peut pas ainsi être un pied dehors, en rappelant que l'habitat n'est pas une compétence départementale, et un pied dedans, lorsque l'Office Départemental concentre l'essentiel des difficultés sociales dans certaines zones du département ! Je citerais d'ailleurs, pour la bonne bouche, les propos du leader de l'opposition municipale à Nanterre, qui déclarait il y a deux jours en séance du Conseil, je le cite : " je persiste, la politique d'attribution de l'Office Départemental est catastrophique".

On ne peut pas non plus affirmer que l'on est attentif aux questions de la mixité du logement, comme vous l'avez affirmé lors de notre dernière réunion, et appuyer les actions menées par certaines villes qui la font reculer sur leur territoire (comme on l'a vu pour l'opération de Rueil), ou négocier la transplantation de familles entières vers d'autres départements comme le disait hier le président de l'office départemental HLM...

On ne peut pas enfin se contenter d'inscrire des sommes importantes au budget dans ce domaine pour la réhabilitation de son parc, et accepter sans dire mot que des communes du 92, dont une est limitrophe de la capitale, comptent un pourcentage de logements plus faible que celui de l'Ariège (il faut quand même le faire, l'Ariège étant avec 3,4 % le département comptant la plus faible proportion de logements sociaux sur son territoire).

Nous aurions voulu, Monsieur le Président, devant la crise du logement que nous connaissons, que soit engagée une véritable politique du logement sur l'ensemble du territoire des Hauts-de-Seine. Mais là non plus, nous n'avons pas été écoutés, alors qu'il s'agit d'un problème extrêmement aigu pour un nombre grandissant d'habitants qui ne peuvent plus se loger dans des conditions convenables.

Tous ces dossiers montrent à l'évidence que nos priorités ne sont pas les mêmes.

Lorsque nous demandons une plus forte implication départementale sur des sujets comme l'emploi, le logement ou l'action sociale, vous nous renvoyez aux augmentations - réelles - du budget, et aux efforts considérables que vous menez pour le fonctionnement du pôle ou pour aider les polices municipales, domaines qui ne relèvent pas de la compétence du Conseil Général.

Cela ne peut nous satisfaire.

Dans les secteurs qui nous semblent essentiels pour le quotidien des habitants des Hauts-de-Seine, votre budget dans son ensemble manque toujours de " souffle ", comme j'ai souvent l'habitude de le dire. Il ne manque pas de moyens, mais il manque de personnalité.

Un dernier mot enfin sur les recettes de ce budget : après de trop nombreuses années d'autofinancement de nos investissements, vous doublez votre volume d'emprunt. Nous en prenons acte.

En revanche, vous attirez d'ores et déjà notre attention sur la nécessité, semble-t-il incontournable, de procéder à une augmentation de la pression fiscale sur les familles.

Après l'augmentation non justifiée de la redevance d'assainissement, voici une nouvelle menace qui plane sur l'ensemble des contribuables de notre département.

Il est très vraisemblable que nous ne voterons pas les taux 2004 avant le prochain renouvellement de notre assemblée.

Je tiens toutefois à dire dès maintenant que le groupe communiste sera fermement opposé à une augmentation de la pression fiscale qui ne se justifie pas au regard du contenu de vos propositions d'action pour l'année prochaine.

Je vous remercie.

RETOUR CANTONALES 2004
RETOUR ACCUEIL