Etabli en séance plénière du Conseil national
de la Résistance, le 15 mars 1944, sous le nom de "
Programme d'action de la Résistance ", ce texte comprend
deux parties. La première, la plus longue, fixe un plan
d'action immédiate. La seconde, la plus courte, que nous
reproduisons seule ici, traite de " Mesures à appliquer
pour la libération du territoire ".
Unis quant au but à atteindre, unis quant aux moyens à
mettre en oeuvre pour atteindre ce but qui est la libération
rapide du territoire, les représentants des mouvements,
groupements, partis ou tendances politiques, groupés au
sein du CNR, proclament qu'ils sont décidés à
rester unis après la Libération.
1° Afin d'établir
le Gouvernement provisoire de la République formé
par le général de Gaulle pour défendre l'indépendance
politique et économique de la nation, rétablir
la France dans sa puissance, dans sa grandeur et dans sa mission
universelle.
2° Afin de
veiller au châtiment des traîtres et à l'éviction
dans le domaine de l'administration et de la vie professionnelle
de tous ceux qui auront pactisé avec l'ennemi ou qui se
seront associés activement à la politique des Gouvernements
de collaboration.
3° Afin d'exiger
la confiscation des biens des traîtres et des trafiquants
du marché noir, l'établissement d'un impôt
progressif sur les
bénéfices de guerre et plus généralement
sur les gains réalisés au détriment du peuple
et de la nation pendant la période d'occupation, ainsi
que la confiscation de tous les biens ennemis y compris les participations
acquises depuis l'armistice par les
Gouvernements de l'Axe et leurs ressortissants, dans les entreprises
françaises et coloniales de tout ordre, avec constitution
de ces participations en patrimoine national inaliénable.
4° Afin d'assurer
:
- l'établissement
de la démocratie la plus large en rendant la parole au
peuple français, par le rétablissement du suffrage
universel -la pleine liberté de pensée, de conscience
et d'expression - la liberté de la presse,
son honneur et son indépendance à l'égard
de l'Etat, des puissances d'argent et des influences étrangères - la liberté d'association, de réunion
et de manifestation - l'inviolabilité du
domicile et le secret de la correspondance - le
respect de la personne humaine - l'égalité
absolue de tous les citoyens devant la loi.
5° Afin de
promouvoir les réformes indispensables :
a. Sur le plan
économique :
- l'instauration
d'une véritable démocratie économique et
sociale impliquant l'éviction des grandes féodalités
économiques et financières de la direction de l'économie
- une organisation rationnelle de l'économie assurant
la subordination des intérêts particuliers à
l'intérêt général et affranchie de
la dictature professionnelle instaurée à l'image
des Etats fasciste
- l'intensification de la production nationale selon les lignes
d'un plan arrêté de tous les éléments
de
cette production
- le retour à la nation de tous les grands moyens de production
monopolisée, fruits du travail commun,
des sources d'énergie, des richesses du sous-sol, des
compagnies d'assurance et des grandes banques
- le développement et le soutien des coopératives
de production, d'achat et de vente, agricoles et
artisanales
- le droit d'accès, dans le cadre de l'entreprise, aux
fonctions de direction et d'administration, pour les
ouvriers possédant les qualités nécessaires,
et la participation des travailleurs à la direction de
l'économie
b. Sur le plan
social :
- le droit au
travail et le droit au repos, notamment par le rétablissement
et l'amélioration du régime contractuel du travail
- un réajustement important des salaires et la garantie
d'un niveau de salaire et de traitement qui assure à chaque
travailleur et à sa famille la sécurité,
la dignité et la possibilité d'une vie pleinement
humaine
- la garantie du pouvoir d'achat national par une politique tendant
à la stabilisation de la monnaie
- la reconstitution, dans ses libertés traditionnelles,
d'un syndicalisme indépendant, doté de larges
pouvoirs dans l'organisation de la vie économique et sociale
- un plan complet de Sécurité Sociale, visant à
assurer à tous les citoyens des moyens d'existence
dans tous les cas où ils sont incapables de se les procurer
par le travail, avec gestion appartenant aux
représentants des intéressés et de l'Etat
- la sécurité de l'emploi, la réglementation
des conditions d'embauchage et de licenciement, le rétablissement
des délégués d'atelier
- l'élévation et la sécurité du niveau
de vie des travailleurs de la terre par une politique de prix
agricoles rémunérateurs améliorant et généralisant
l'expérience de l'Office du blé, par une législation
sociale accordant aux salariés agricoles les mêmes
droits qu'aux salariés de l'industrie, par un système
d'assurance contre les calamités agricoles, par l'établissement
d'un juste taux du fermage et du
métayage, par des facilités d'accession à
la propriété pour les jeunes familles paysannes
et par la
réalisation d'un plan d'équipement rural
- une retraite permettant aux vieux travailleurs de finir dignement
leurs jours
- le dédommagement des sinistrés et des allocations
et pensions pour les victimes de la terreur fasciste
- une extension des droits politiques, sociaux, économiques
des populations indigènes et coloniales
- la possibilité effective, pour les enfants français,
de bénéficier de l'instruction et d'accéder
à la culture la
plus développée, quelle que soit la situation de
fortune de leurs parents, afin que les fonctions les plus hautes
soient réellement accessibles à tous ceux qui auront
les capacités requises pour les exercer et que soit ainsi
promue une élite véritable, non de naissance, mais
de mérite, et constamment renouvelée par les apports
populaires.
Ainsi sera fondée
une République nouvelle qui balaiera le régime
de basse réaction instauré par Vichy et qui rendra
aux institutions démocratiques et populaires l'efficacité
que leur avaient fait perdre les entreprises de corruption et
de trahison qui ont précédé la capitulation.
Ainsi sera rendue
possible une démocratie qui unisse au contrôle effectif
exercé par les élus du peuple, la continuité
de
l'action gouvernementale.
L'union des représentants de la Résistance pour
l'action dans le présent et dans l'avenir, dans l'intérêt
supérieur de la Patrie, doit être, pour tous les
Français, un gage de confiance et un stimulant. Elle doit
les inciter à éliminer tout esprit de particularisme,
tout ferment de division qui pourrait freiner leur action et
ne servir que l'ennemi.
En avant, donc, dans l'union de tous les Français rassemblés
autour du CFLN et de son président, le général
de Gaulle. En avant pour le combat. En
avant pour la victoire afin que vivre la France.
Le Conseil
national de la Résistance comprenant :
- le Mouvement
de Libération nationale (Combat, Franc-Tireur, Libération,
France au combat, Défense de la France, Lorraine, Résistance)
- le Front national
- l'Organisation civile et militaire (OCM)
- Libération zone Nord
- Ceux de la Résistance
- Ceux de la Libération
- la Confédération générale du travail
- la Confédération française des travailleurs
chrétiens.
Les partis et tendances politiques suivantes :
- Parti communiste
- Parti socialiste
- Parti républicain-radical et radical-socialiste
- Parti démocrate populaire
- Alliance démocratique
- Fédération républicaine.
|