Contrat Premier Emploi :

Décryptage . Les cinq mensonges du premier ministre dévoilés, texte à l’appui. Février 2006
Pour faire toute la lumière sur le CPE, nous publions l’intégralité de l’article adopté par le gouvernement à l’issue de son passage en force, le 10 février dernier, à l’Assemblée nationale, avec le 49-3, et le confrontons aux arguments avancés par le premier ministre.
(Toutes les citations sont extraites de l’entretien avec le premier ministre dans le Figaro du 13 février 2006).

(les articles du code du travail cités ci dessous sont lisibles ici)

De Villepin a dit : " « Le contrat première embauche est un vrai contrat à durée indéterminée. »
Ce que dit le projet de loi :
« - Les employeurs qui entrent dans le champ du premier alinéa de l’article L. 131-2 du Code du travail peuvent conclure, pour toute nouvelle embauche d’un jeune âgé de moins de vingt-six ans, un contrat de travail dénommé "contrat première embauche".
L’effectif de l’entreprise doit être supérieur à vingt salariés dans les conditions définies par l’article L. 620-10 du même Code.
Un tel contrat ne peut être conclu pour pourvoir les emplois mentionnés au 3 de l’article L. 122-1-1 du même Code.
II. - Le contrat de travail défini au I est conclu sans détermination de durée. Il est établi par écrit.
Ce contrat est soumis aux dispositions du Code du travail, à l’exception, pendant les deux premières années courant à compter de la date de sa conclusion, de celles des articles L. 122-4 à L. 122-11, L. 122-13 à L. 122-14-14 et L. 321-1 à L. 321-17 du même Code.
La durée des contrats de travail, précédemment conclus par le salarié avec l’entreprise ainsi que la durée des missions de travail temporaire effectuées par le salarié au sein de l’entreprise dans les deux années précédant la signature du contrat première embauche, de même que la durée des stages réalisés au sein de l’entreprise sont prises en compte dans le calcul de la période prévue à l’alinéa précédent. »

Notre commentaire :
Le CPE est destiné à la plupart des employeurs (privés, associatifs, mutualistes, syndicaux etc.). De façon générale, il s’agit d’un contrat dérogatoire au droit du travail. La principale dérogation est l’institution d’une période d’essai de deux ans durant laquelle l’employeur peut licencier son salarié sans motif par simple lettre recommandée. Le recours devant un juge sur le caractère « réel et sérieux » des motifs du licenciement est impossible, de même qu’en cas de licenciement abusif. L’employeur n’est plus tenu non plus de convoquer le salarié pour un entretien préalable au licenciement. Les règles en vigueur concernant le « délai-congé » (c’est-à-dire le préavis de licenciement) sont modifiées (voir plus loin). Le « motif économique » du licenciement, qui « ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d’adaptation ont été réalisés », n’a plus lieu d’être. Idem pour l’obligation d’établir un plan social de « sauvegarde de l’emploi » dans les entreprises de plus de 50 salariés ou bien celle d’accorder, dans les entreprises de plus de mille salariés, un congé de reclassement rémunéré au salarié. Seule « exception » aux dérogations, les « procédures d’information et de consultation » attachées au licenciement économique sont conservées pour les licenciements collectifs de CPE (voir plus loin). Mais on voit mal comment cette « obligation » pourrait se concilier avec l’autorisation de licencier sans motif qui prive les représentants du personnel du pouvoir de contester le bien-fondé de la décision. Le flou du texte sur ce point le rend juridiquement incertain.

De Villepin a dit : « Pendant ces deux années, tous les droits des salariés sans aucune exception sont garantis. »

Ce que dit le projet de loi :
« Ce contrat peut être rompu à l’initiative de l’employeur ou du salarié, pendant les deux premières années courant à compter de la date de sa conclusion, dans les conditions suivantes :
1. La rupture est notifiée par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ;
2. Lorsque l’employeur est à l’initiative de la rupture et sauf faute grave ou force majeure, la présentation de la lettre recommandée fait courir, dès lors que le salarié est présent depuis au moins un mois dans l’entreprise, un préavis. La durée de celui-ci est fixée à deux semaines, dans le cas d’un contrat conclu depuis moins de six mois à la date de la présentation de la lettre recommandée, et à un mois dans le cas d’un contrat conclu depuis au moins six mois ;
3. Lorsqu’il est à l’initiative de la rupture, sauf faute grave, l’employeur verse au salarié, au plus tard à l’expiration du préavis, outre les sommes restant dues au titre des salaires et de l’indemnité de congés payés, une indemnité égale à 8 % du montant total de la rémunération brute due au salarié depuis la conclusion du contrat. Le régime fiscal et social de cette indemnité est celui applicable à l’indemnité mentionnée à l’article L. 122-9 du Code du travail. À cette indemnité versée au salarié s’ajoute une contribution de l’employeur, égale à 2 % de la rémunération brute due au salarié depuis le début du contrat. Cette contribution est recouvrée par les organismes mentionnés au premier alinéa de l’article L. 351-21 du Code du travail conformément aux dispositions des articles L. 351-6 et L. 351-6-1 du même Code. Elle est destinée à financer les actions d’accompagnement renforcé du salarié par le service public de l’emploi en vue de son retour à l’emploi. Elle n’est pas considérée comme un élément de salaire au sens de l’article L. 242-1 du Code de la Sécurité sociale.
Toute contestation portant sur la rupture se prescrit par douze mois à compter de l’envoi de la lettre recommandée prévue au 1. Ce délai n’est opposable aux salariés que s’il en a été fait mention dans cette lettre.
Par exception aux dispositions du deuxième alinéa, les ruptures du contrat de travail envisagées à l’initiative de l’employeur sont prises en compte pour la mise en oeuvre des procédures d’information et de consultation régissant les procédures de licenciement économique collectif prévues au chapitre Ier du titre II du livre III du Code du travail.
La rupture du contrat doit respecter les dispositions législatives et réglementaires qui assurent une protection particulière aux salariés titulaires d’un mandat syndical ou représentatif. »

Notre commentaire :
Le préavis de quinze jours à un mois précédant tout licenciement est réservé aux jeunes ayant réussi à franchir le cap du premier mois d’embauche.

Ces dispositions sont inférieures au droit commun, qui prévoit pour le CDI que la durée du « délai-congé » est fixée par une convention ou un accord collectif, avec un minimum d’un mois pour les salariés de plus de six mois dans l’entreprise.

L’indemnité de licenciement de 8 % est quant à elle inférieure à l’indemnité de précarité de 10 % reçue à l’issue d’un CDD ou d’une mission d’intérim.
À noter que le CDD est beaucoup plus protecteur que le CPE, car il ne peut être rompu avant terme « qu’en cas de faute grave ou de force majeure ».
Dans les autres cas, le salarié a droit à l’intégralité des rémunérations qu’il aurait perçues jusqu’au terme de son CDD, augmentées d’éventuels « dommages et intérêts ».

Enfin, le délai pour contester la rupture du contrat de travail est ramené de trente ans pour un CDI de droit commun à une seule année pour le CPE.
De Villepin a dit : « Plus [le jeune] reste dans l’entreprise, plus il acquiert une bonne formation, moins l’employeur a intérêt à s’en séparer. »

Ce que dit le projet de loi :
« En cas de rupture du contrat, à l’initiative de l’employeur, au cours des deux premières années, il ne peut être conclu de nouveau contrat première embauche entre le même employeur et le même salarié avant que ne soit écoulé un délai de trois mois à compter du jour de la rupture du précédent contrat. »

Notre commentaire :
Ce paragraphe est l’une des innovations les plus retorses du CPE. Si l’ambition est de permettre l’accès à un vrai CDI au bout des deux ans, pourquoi avoir prévu la possibilité pour un jeune de multiplier les CPE avec le même employeur, moyennant un « délai de carence » de trois mois ?
Cela ouvre un champ d’exploitation sans limite au patronat qui pourra débaucher son salarié pour le rembaucher à nouveau à l’essai. C’est une disposition sans équivalent, puisque la loi sanctionne le recours abusif à l’intérim ou aux CDD pour occuper un poste pérenne dans l’entreprise, limité à dix-huit mois en tout pour ces derniers.
De Villepin a dit : « Il [le CPE] permettra à chacun de trouver plus vite un vrai emploi,
un logement. »

Ce que dit le projet de loi :
« L’employeur est tenu d’informer le salarié, lors de la signature du contrat, des dispositifs interprofessionnels lui accordant une garantie et une caution de loyer pour la recherche éventuelle de son logement. »

Notre commentaire :
Voilà le fameux nouveau « droit au logement » gravé dans le CPE : il se résume en fait à être « informé » par son employeur des « dispositifs » existants !
De Villepin a dit : « Nous créons même deux droits nouveaux : le droit individuel à la formation dès la fin du premier mois et le droit à une meilleure indemnisation du chômage. »

Ce que dit le projet de loi :
« Le salarié titulaire d’un contrat première embauche peut bénéficier du congé de formation dans les conditions fixées par les articles L. 931-13 à L. 931-20-1 du Code du travail.
Le salarié titulaire d’un contrat première embauche peut bénéficier du droit individuel à la formation prévu à l’article L. 933-1 du Code du travail pro rata temporis, à l’issue d’un délai d’un mois à compter de la date d’effet du contrat. Le droit individuel à la formation est mis en oeuvre dans les conditions visées aux articles L. 933-2 à L. 933-6 du même Code. »
« III. - Les travailleurs involontairement privés d’emploi, aptes au travail et recherchant un emploi au sens de l’article L. 351-1 du Code du travail, ayant été titulaires du contrat mentionné au I pendant une durée minimale de quatre mois d’activité ont droit, dès lors qu’ils ne justifient pas de références de travail suffisantes pour être indemnisés en application de l’article L. 351-3 du même Code, à une allocation forfaitaire versée pendant deux mois.
Le montant de l’allocation forfaitaire ainsi que le délai après l’expiration duquel l’inscription comme demandeur d’emploi est réputée tardive pour l’ouverture du droit à l’allocation, les délais de demande et d’action en paiement, le délai au terme duquel le reliquat des droits antérieurement constitués ne peut plus être utilisé et le montant au-dessous duquel l’allocation indûment versée ne donne pas lieu à répétition sont ceux applicables au contrat nouvelles embauches.
Les dispositions de la section IV du chapitre Ier du titre V du livre III du Code du travail sont applicables à l’allocation forfaitaire.
Les dispositions de l’article L. 131-2, du 2 du I de l’article L. 242-13 et des articles L. 311-5 et L. 351-3 du Code de la sécurité sociale ainsi que celles des articles 79 et 82 du Code général des impôts sont applicables à l’allocation forfaitaire.
Cette allocation est à la charge du fonds de solidarité créé par la loi no 82-939 du 4 novembre 1982 relative à la contribution exceptionnelle de solidarité en faveur des travailleurs privés d’emploi.
L’État peut, par convention, confier aux organismes mentionnés à l’article L. 351-21 du Code du travail ou à tout organisme de droit privé la gestion de l’allocation forfaitaire.
Un accord conclu dans les conditions prévues à l’article L. 351-8 du Code du travail définit les conditions et les modalités selon lesquelles les salariés embauchés sous le régime du contrat institué au I peuvent bénéficier de la convention de reclassement personnalisé prévue au I de l’article L. 321-4-2 du même Code. À défaut d’accord ou d’agrément de cet accord, ces conditions et modalités sont fixées par décret en Conseil d’État.
IV. - Les conditions de mise en oeuvre du contrat première embauche et ses effets sur l’emploi feront l’objet, au plus tard au 31 décembre 2008, d’une évaluation par une commission associant les organisations d’employeurs et de salariés représentatives au plan national et interprofessionnel. »

Notre commentaire :
La première partie du texte ne fait que reprendre les droits déjà reconnus à « toute personne qui, au cours de sa vie professionnelle, a été titulaire d’un contrat à durée déterminée ».
Quant au « nouveau » droit à la formation introduit dans la seconde partie, il reprend la disposition du CDI d’un « droit individuel à la formation » (DIF) de vingt heures par an à son titulaire.
Le gouvernement avance simplement le délai d’ouverture du droit, calculé au pro rata, à un mois d’ancienneté.

Le montant de l’« allocation forfaitaire » versée durant deux mois par les ASSEDIC au salarié qui n’a pas droit au chômage se monte à 16,40 euros par jour, soit 492 euros par mois, à condition d’avoir travaillé au moins quatre mois en CPE.
Avant, le jeune licencié n’a droit à rien. Elle n’est pas cumulable avec l’allocation de solidarité spécifique (ASS), ni avec le versement d’une allocation chômage classique (ouverte à partir de six mois de travail cumulés dans les vingt-deux derniers mois).
Cette allocation est en fait nettement inférieure à l’allocation minimale des ASSEDIC, en montant (25,01 euros par jour pour cette dernière) et en durée (minimum de sept mois pour les prestations chômage).

Document réalisé à partir du décrytage publié par le journal "l'humanité" du jeudi 23 février 2006


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