HOMMAGE DE ROBERT CREANGE, Secrétaire Général
de la Fédération Nationale des Déportés et Internés, Résistants et Patriotes

Obsèques de Madeleine Vincent
28 novembre 2005

Madeleine, je te connaissais depuis si longtemps. J’aurais tant de choses à dire mais il m’appartient seulement, ici, d’évoquer ton passé de résistante, de déportée.

Née le 4 mai 1920 à Asnières, dans cette banlieue ouest de Paris à laquelle tu étais si attachée, tu as donc 20 ans au moment où les armées hitlériennes envahissent la France.

Tu sais déjà ce qu’est le militantisme, la prise de responsabilités, puisque tu en assumes d’importantes au sein de l’Union des Jeunes Filles de France. La trahison de ce qu’il est convenu d’appeler les élites, te révolte, tu refuses l’occupation, la collaboration.

Tout de suite, tu passes dans la clandestinité ; dès juillet 1940, tu remplis des missions pour reconstituer le mouvement de jeunes filles auquel tu appartiens et pour organiser le mouvement illégal des femmes.

Ton activité te conduit à effectuer de nombreux déplacements dans le Nord, le Pas-de-Calais, la Somme, les départements de l’Est, la Côte d’Or, la Saône et Loire. Tu portes différents pseudonymes : Paulette, Josette et Simone Lambert. Tu prends des risques, beaucoup de risques. Tu réussis, jusqu’en mai 1942, à échapper à la surveillance des nazis et de leurs complices français.

Tu accomplis un travail considérable, tu recrutes, parmi la jeunesse communiste, des jeunes qui formeront les premiers groupes de FTP.
Et puis, et puis, comme tant d’autres, tu vas tomber.
Un jeune instituteur du Nord que tu avais rencontré lors d’un de tes déplacements près de Valenciennes a été arrêté. Il a parlé et a été relâché. Six mois plus tard, il te rencontre en gare de Douai, te reconnaît, te dénonce à la Feldgendarmerie. Nous sommes le 6 mai 1942. Pour toi, Madeleine, tout bascule. Le soir même, tu es enfermée dans la sinistre prison de Loos les Lille. A ce moment-là, tu t’appelles Simone Lambert. Pendant deux mois, tu vas rester menottes aux mains, jour et nuit, être soumise à des interrogatoires, entendre te camarades partir pour le peloton d’exécution. Tu es inculpée pour avoir donné des directives de sabotage.

Le 5 août 1942, tu es déportée à Essen avec, entre autres, des femmes de mineurs qui avaient été actives pendant la grande grève patriotique de mai 1941.

Vous refusez d'accomplir tout travail qui ait la moindre apparence industrielle. Après le bombardement de la prison d’Essen, tu es envoyée à Kreuzburg où tu resteras jusqu’en juillet 1943. A Kreuzburg où, Madeleine, tu refuses, avec les conséquences que l’on peut imaginer, de participer à la construction d’un ouvrage militaire.

C’est ensuite le départ en train cellulaire vers Ravensbrück où ton convoi arrive juste après celui dans lequel se trouvait Marie-Claude Vaillant-Couturier. Là, avec d’autres concentrationnaires, tu tenteras de rassembler et d’organiser les femmes, comme tu le feras à Mauthausen qui sera le dernier camp où tu seras envoyée et d’où tu seras libérée.

Ton état de santé est préoccupant et, avant de regagner la France, tu devras séjourner dans un hôpital en Suisse.

A ton retour, tu reprendras ton activité militante. Tu étais membre de la FNDIRP et tu siégeais au Bureau de l’Amicale de Ravensbrück.
Madeleine, tu étais Officier dans l’Ordre National de la Légion d’Honneur, à titre militaire, et Commandeur dans l’Ordre National du Mérite.

Que dire d’autre ?

Tu as toujours été une bagarreuse. Avant-guerre lorsque tu t’occupais de la solidarité avec l’Espagne Républicaine, dans la Résistance, dans les camps, jamais tu n’as renoncé. Ton idéal était ancré au plus profond de toi. Toute ta vie, il a guidé ton action, tes engagements.

Madeleine, tu vas nous manquer. Ton sourire, ton franc-parler, ta capacité d’écoute de l’autre, faisaient de toi une amie avec qui on avait toujours plaisir à se retrouver.

A Guy, à tous les tiens, j’adresse, au nom de l’Amicale de Ravensbrück, de la FNDIRP et de tous tes amis de la Résistance et de la Déportation, le témoignage de notre amitié, de notre solidarité. A toi, Madeleine, un fraternel au revoir.

 

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