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28 novembre 2005
Peut-on parler de Madeleine, sans penser à Guy ? Jusquau bout, Guy, tu lui as donné le sourire. Sans ressentir une nouvelle fois la force de leur amour lun pour lautre. Un amour qui donnait de lénergie, de lassurance, du réconfort, de lenvie. Un amour qui rayonnait et qui habitait son quotidien. Un amour qui réchauffait aussi nos curs. Un amour où ton humour, Guy, faisait fusion avec la rigueur de Madeleine. A toi, Guy, je voudrais dire simplement que nous sommes là, pour vivre avec toi cette absence. Le souffle de votre histoire, de votre passion, de votre immense amour, nest pas pour autant éteint. Il demeure encore aujourdhui. Pour les communistes, celle qui sen va est dabord, profondément, une des leurs. Une camarade de lutte, qui a été de tous leurs combats et de tous leurs espoirs. Ceux qui lont connue, ici, à Issy-les-Moulineaux, et ailleurs, savent combien elle était une formidable militante. Je tentends, Guy, je lentends me parler de ses tournées de lHD. Je vous vois essayer de convaincre ma fille rebelle du bien fondé de notre engagement. Madeleine était là. Je la revois. Son regard bleu, franc, discrète mais si élégante, son tailleur, ses corsages. Elle était femme. Son sourire et ses gestes tendres. Sa façon de dire ce quelle croit, posée, réfléchie. Elle était enracinée dans le quotidien des hommes et des femmes quelle rencontrait. Elle savait toujours, avec beaucoup de tendresse, faire sentir à chacune et chacun combien sa vie avait de la valeur. Elle était toujours disponible pour le conseil politique, pour le conseil personnel. Je me rappelle avoir aussi fait irruption plus dune fois dans son bureau. Sa vie dengagement, elle lavait commencée très tôt. Encore en scolarité, elle fut très sensible aux événements de 1934, puis de 1936. Mécanographe de profession, elle adhéra à lUnion des Jeunes Filles de France. Elle en animait lactivité locale et participait à la direction départementale du sud parisien. Madeleine naimait pas vraiment que lon parle delle, pourtant elle pouvait tant nous dire, vu le rôle quelle occupait. Elle disait préférer quon évoque tout ce qui sétait fait, à quoi elle avait eu sa part, certes, mais avec dautres. On le sent dans ces mots quelle écrivait en 1997, pour parler de sa vie, à propos de son passage à lUJFF : « On ne dira jamais assez ce que cette organisation a fait, sous la direction de Danielle Casanova, pour rassembler les jeunes filles, défendre leurs droits, organiser l'aide aux enfants dEspagne, éclairer sur la montée du nazisme en Allemagne, éveiller et développer chez elles les sentiments démocratiques et patriotiques, expliquait-elle en 1997. Ce fut pour beaucoup dans ma détermination, dans celle de dizaines de milliers de jeunes filles. Les événements qui suivirent lont bien démontré. » Ce fut en 1937 quelle adhéra au Parti communiste français. Elle avait 17 ans. 17 ans, ce fut une chanson de Jean Ferrat. Dans sa famille, une famille douvriers, demployés et de journaliers agricoles, on parlait des malheurs de la guerre, on évoquait avec crainte les évènements de 1934, on senflammait aussi devant le mouvement de 1936. Madeleine avait choisi personnellement de sengager. Son parti, elle y tenait, elle y croyait. Elle portait avec fierté, avec humanité, avec sensibilité, nos idéaux de justice et de liberté. Quand on a connu la Résistance et les camps de la mort, sans doute porte-t-on un regard différent sur la vie. Sans doute perçoit-on différemment la nécessité de lengagement. Dès juillet 1940, du haut de ses vingt ans, Madeleine était rentrée dans la Résistance. Elle fut chargée dorganiser laction dans les départements de la zone interdite, notamment dans le Nord et le Pas-de-Calais, qui sont toujours restés chers à son cur. Dénoncée, elle fut arrêtée en gare de Douai le 9 janvier 1942. Emprisonnée à Loos, menottée en permanence pendant deux mois, elle fut ensuite déportée dans les camps, jusquà Ravensbrück et Mauthausen. Dans les camps, elle continua à organiser la résistance au nazisme. Elle agit autant que possible pour la dignité des femmes, qui sorganisèrent pour refuser tout travail industriel, ou toute participation à la construction douvrages militaires. Au plus profond du brouillard qui enveloppait lhumanité, Madeleine a témoigné dune ténacité et dun courage exemplaires, le courage des justes. Elle fut de celles et ceux qui osèrent se dresser contre la barbarie nazie. Elle fut de celles et ceux à qui la France et au-delà, lhumanité doivent beaucoup. A la Libération, Madeleine reprit ses activités et ses engagements. Elle devint secrétaire de lUnion de la Jeunesse Républicaine de France puis secrétaire nationale de lUnion des Jeunes Filles de France. Elle était attachée profondément à « toutes les actions des femmes pour les droits et la paix », comme elle le disait elle-même. Elle était fière davoir fondé le journal « Femmes Aujourdhui Demain », que lon distribuait à des millions dexemplaires à chaque parution. En 1954, Madeleine fut élue au Comité Central du Parti Communiste Français. Elle en fut membre jusquen 1996. Ainsi commença pour elle lexercice de hautes responsabilités en tant que dirigeante politique. Chacun a son anecdote pour raconter la fermeté de Madeleine mais aussi son profond humanisme. Ce qui frappait dabord pour celles et ceux qui la côtoyaient, cétait sa grande attention aux militantes et aux militants. Elle veillait sans cesse à ce quils se sentent bien, quils soient à laise dans leur parti. Peu à peu, son esprit de responsabilité, sa rigueur, son intelligence des grands mouvements à luvre dans le monde la conduisirent à prendre encore plus de responsabilités. Entre 1970 et 1990, elle impulsa laction nationale du Parti communiste au sein de son bureau politique. Inlassablement, elle savait se mettre au service de ce quelle croyait juste, elle avait le souci que notre parti soit à la hauteur de notre peuple. Dans ce cadre, elle a oeuvré avec passion pour lémancipation des femmes, son combat de toujours. Alors que le PCF sortait dune période dincompréhension et même daffrontement avec le mouvement féministe, aveuglé par une vision faussée de lémancipation humaine, elle chercha à comprendre pourquoi ce parti qui avait été en pointe du combat féministe au cur de lentre-deux-guerres, avec son journal lOuvrière, avec son secrétariat à la condition féminine, avait raté le rendez-vous avec les femmes dans les années 60. Elle avait su donner un nouvel élan au féminisme des communistes. De tout cela, nous avons eu longuement loccasion de reparler. Madeleine a toujours cherché à comprendre pourquoi lhistoire sétait écrite de cette façon. Cest pourquoi, grâce à elle, en 1997, nous avions fondé lassociation « Femmes et Communistes : Jalons pour une histoire ». Elle consacra une énergie formidable et toute la force de son engagement à la réussite de cette belle aventure. Son courage et sa détermination ont conduit au succès du colloque 2001 où elle se félicitait que nous ayons rompu avec les conceptions anciennes. Celles qui nous avaient conduit à ne pas voir les potentialités et les aspirations qui montaient dans la société, à nous couper de mouvements démancipation humaine qui avaient à voir avec le communisme. Ensuite, Madeleine fut responsable du secteur élections de notre parti et chargé de coordonner laction des élus communistes. Cétait une tâche ardue au regard des défis posés dans le quotidien. Là encore, elle fit preuve de qualités exceptionnelles pour déployer laction de notre parti et lui permettre dêtre toujours plus en prise avec la réalité. Chers Guy, Daniel, Chers amis, chers camarades, Ce jour est un jour de tristesse pour les communistes. Une immense peine métreint aujourdhui. Je mesure la force de ce que nous avons partagé. Une grande dame sen va, une personnalité du mouvement féministe, une dirigeante marquante du Parti communiste, jose le dire, une figure de notre histoire nationale. Ce qui frappe à la relecture de sa vie, cest le courage qui était le sien. Non pas un courage tapageur, mais un courage simple et vrai. Elle portait un idéal, qui habitait toute sa vie. Je voudrais vous citer les propos quelle tenait en 2001, sous la coupole de la place du Colonel Fabien : « Aux générations nouvelles, nous offrons de construire le communisme, cette société de femmes et dhommes libres et égaux, dans une lutte pour remettre en cause dès maintenant toutes les formes dexploitation, doppression, daliénation, doù quelles viennent. Voilà pourquoi nous affirmons vouloir être pleinement communistes et pleinement féministes. » Nous ne toublierons pas Madeleine, femme communiste, notre camarade. Ta vie demeurera pour nous une lumière qui éclairera nos chemins. |