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Un mariage d'argent !

Un article de "libération"

Par Sibylle Vincendon — 1 juin 2016 à 20:21

Séparées par la Seine, les deux villes des Hauts-de-Seine veulent s’associer par simple délibération municipale. Avec la dette boulonnaise en toile de fond.
En annonçant en avril que Boulogne-Billancourt et Issy-les-Moulineaux, dans les Hauts-de-Seine, allaient s’unir en une commune unique, André Santini, maire Nouveau Centre d’Issy, et Pierre-Christophe Baguet, maire LR de Boulogne, ont créé la surprise. Ce rapprochement ne figurait en effet dans aucun des deux programmes municipaux.

Député LR de Boulogne mais pourtant opposant farouche du maire, Thierry Solère, ne décolère pas contre ce fait accompli. «Si l’on fait cela, il faut expliquer pourquoi», estime-t-il. Il rappelle que pas un des deux n’a fait campagne sur cette hypothèse. «Pierre-Christophe Baguet s’est fait élire sur le slogan : "Passionnément boulonnais !" rappelle-t-il. Ça ne donne pas vraiment mandat pour une fusion.» Pour l’opposant, «on ne peut pas faire cette fusion sans l’avis de la population». Légalement, si. Il suffit d’avoir deux délibérations concordantes des conseils municipaux des villes concernées. Et à en juger par le secret et la rapidité qui ont entouré la décision des deux élus, un référendum ne semble pas d’actualité.

Opulente

Géographiquement, l’union de ces deux communes séparées par la Seine est curieuse, la continuité territoriale étant plutôt la base de ce genre de démarche. Rive gauche, la florissante Issy-les-Moulineaux, avec un endettement proche de zéro et un trésor de guerre accumulé au fil de trente-six ans de développement immobilier à forte dose de bureaux. La ville est suffisamment opulente pour pouvoir financer sur fonds propres 20 millions d’euros d’équipements en 2015. Rive droite, Boulogne-Billancourt, ex-patrie de la régie Renault. Après avoir aménagé pendant quinze ans les anciens terrains du constructeur automobile, Boulogne est prospère. A cela près que la société d’économie mixte (SEM) d’aménagement de la commune présente un déficit financier de 250 millions d’euros. En cause : l’absence d’investisseurs sur les 11 hectares de l’île Seguin, depuis 2008.

«Hold-up»

Une fusion pour faire partager la dette ? Pas du tout, rétorque Baguet. «L’île Seguin, c’est mon affaire.» Et d’ailleurs, rectifie-t-il, «il n’y a pas de déficit de la SEM, il y a des comptes négatifs». Certes, la société ne vend rien et n’encaisse donc aucune recette, mais «on verra à l’arrivée». «Je n’ai aucun problème sur l’île Seguin, affirme le maire. Ça vaut quelque chose, l’île Seguin. J’ai des promoteurs qui font la queue leu leu.»

Ce qui a motivé sa démarche vers la fusion, explique-t-il, ce sont les prélèvements opérés par l’Etat au titre de la péréquation entre villes riches et pauvres. Une fois les communes mariées en une seule, Baguet compte se «redonner des marges de manœuvre». Par quel miracle ? A Issy-les-Moulineaux, Santini, qui n’a pas voulu répondre à nos questions, se plaint lui aussi de ces prélèvements, qu’il qualifie dans la presse de «hold-up».

Restent les enjeux de personnes. Qui sera maire ? «C’est moi, répond Pierre-Christophe Baguet. André Santini deviendra président du territoire.» Au second l’urbanisme qu’il aime tant. Et quoi de mieux que de voir sa commune disparaître quand on ne s’est jamais résolu à désigner un dauphin ?
Sibylle Vincendon

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