Le
parti communiste a été fondé en 1920. Depuis
sa création, une vie militante communiste a vu le jour à
Issy-les-Moulineaux et perdure encore aujourd'hui.
Depuis plus d'un siècle maintenant, des hommes et des femmes
militent pour la justice sociale et la paix.
Leurs histoires sont intimement liées à la ville et
parfois même à l'histoire de la France. Militants,
élus municipaux, résistants, héros ou martyrs
de la Seconde guerre mondiale, cette rubrique retrace le parcours
de communistes isséens afin de préserver cette mémoire
collective.
BIGOURET Lucien alias MOSNAY
Né
le 1er septembre 1907 à Seignelay, arrondissement d’Auxerre
(Yonne), mort le 14 janvier 1945 à Neuengamme (Allemagne)
; ajusteur forgeron ; conseiller municipal
communiste d’Issy-les-Moulineaux ; combattant
des Brigades internationales en Espagne ; résistant déporté.
Fils de Jean,
maçon tué pendant la Première Guerre mondiale
et de Valentine, Rosalie Thibault, femme de ménage, Lucien
Bigouret fut adopté par la Nation en novembre 1918. Sa mère
et ses frères sympathisèrent avec les idées
communistes. Il fréquenta l’école primaire jusqu’à
douze ans et obtint le certificat d’études primaires
puis se forma en calcul. De la classe 1927, il fit son service militaire
à Auxerre dans l’Yonne.
Domicilié à Issy-les-Moulineaux
(Seine), ouvrier métallurgiste chez Citroën,
il adhéra à la CGTU en 1931, au Parti communiste l’année
suivante et suivit une école de cadres. Il fut élu
conseiller municipal de sa ville, le 12 mai 1935, sur la liste antifasciste
dirigée par Victor Cresson. Il était en 1937 membre
du Comité régional Paris-ville et responsable du PCF
dans son entreprise. Également trésorier de la section
syndicale, il était délégué du personnel
depuis la grève de juin 1936.
Doté d’une expérience de caporal armurier mitrailleur
acquise au service militaire, il servit en Espagne républicaine
à partir du 14 novembre 1937. D’abord affecté
à l’usine n° 1 d’Albacete, il fit ensuite
partie de l’état-major de la 14e Brigade internationale
la Marseillaise, comme responsable de la presse et de la propagande.
Il cosigna bon nombre des fiches d’appréciations politiques
établies pour chaque volontaire rapatrié à
l’automne 1938 comme « responsable du Comité
de parti de la brigade ». On peut lire dans son propre dossier,
conservé aux archives du RGASPI (Moscou), l’appréciation
suivante du commissaire politique de la brigade, Henri Tanguy (futur
Rol-Tanguy) : « Dévoué, compréhensif,
courageux. Bon organisateur. Conduite morale irréprochable.
Militant intègre. En progression. Gagnerait à s’extérioriser
et ainsi gagnerait en autorité. Camarade peut-être
un peu timide mais sait à l’occasion être énergique.
Possède à la brigade l’estime de tous ».
Rentré après novembre 1938 en France, il fut un temps
instructeur du Parti dans la région parisienne. Il habita
successivement à partir du 5 décembre 1932 au 1 rue
Édouard-Nan, puis 9 bis avenue
de Verdun à Issy-les-Moulineaux (Seine, Hauts-de-Seine),
enfin 31 rue Henri-Martin à Vanves dans le même département.
Le 2 septembre 1939, il fut mobilisé au 608e Pionniers en
qualité de caporal à Autun (Saône-et-Loire).
Démobilisé le 16 août 1940 à Nantiat
arrondissement de Bellac (Haute-Vienne). Il se rendit chez sa mère,
veuve, qui demeurait à Seignelay (Yonne) et y resta trois
semaines.
Rentré à Issy-les-Moulineaux,
il logea chez son amie Doublet. Il reprit contact
avec le Parti communiste, était rétribué 1800
à 2000 francs chaque mois. En octobre 1940, il loua une chambre
sous le nom de Jean Mosnay au 8, rue Dautencourt à Paris
(XVIIe arr.). Le gérant de l’immeuble ne lui demanda
aucune pièce d’identité justificative.
En mars 1941, il était responsable politique de la région
P6 de la région parisienne, dont Roger Linet était
le responsable aux masses. Lucien Bigouret a été l’un
des fondateurs du Front national sous l’Occupation. Une attestation
du mouvement, établie à la Libération, indique
que se constituèrent sous son impulsion des noyaux de cette
structure dans les trois départements de la région
parisienne.
Lucien Bigouret a été repéré le jeudi
26 mars 1942 vers 15 heures place de Bitche à Paris (XIXe
arr.) alors qu’il parlait avec Dupuis alias Pennequin. Une
heure après il rencontrait Beyssere alias Besse. Ensemble
ils se rendaient place Jean-Jaurès où ils rencontrèrent
Hammache, puis continuèrent leur chemin et se séparèrent
à 17 heures 25.
Le vendredi 10 avril, il sortit de son domicile du XVIIe arrondissement
rue Dautancourt à 13 heures 30, il prenait le métro
à la station La Fourche jusqu’à Victor-Hugo
dans le XVIe arrondissement. Il rencontra un homme non identifié.
Le lundi 13 avril à 13 heures 15, il quitta son domicile
et se rendit place de la Concorde à pied, il rencontra un
homme d’une trentaine d’années qui ne fut pas
identifié par le police. Le mardi 14 avril à 14 heures,
il prenait l’autobus 31 et se rendait à la mairie du
XVIIIe arrondissement. De là il prenait le métro à
la station Jules-Joffrin, descendit à Porte de Versailles
(XVe arr.). Sur le boulevard Lefèvre il rencontra un homme
à la hauteur du n° 51, ils conversèrent une vingtaine
de minutes et se rendaient rue de Vaugirard où ils rencontrèrent
un autre homme. Ces deux résistants furent identifiés
comme étant Jean Laffitte alias Dubreuil et Lloubes alias
Lafargue, Jarlan, Dartois.
Le jeudi 16 avril il quittait son domicile vers 14 heures, prenait
le métro à La Fourche, descendait à Sentier.
Il empruntait plusieurs petites rues, rencontrait un homme avec
qui il se rendait dans un café de la rue des Petits-Champs
(IIe arr.). Dix minutes après ils ressortaient. L’inconnu
fut suivit par les policiers jusqu’à la place des Victoires
(IIe arr.), il était rejoint par Lucien Bigouret et un autre
homme. Les deux hommes ne furent pas identifiés.
De surveillance sur le boulevard Poniatowski (XIIe arr.), des inspecteurs
rencontraient le samedi 18 avril Lucien Bigouret accompagné
d’une femme. Le couple se rendit porte de Vincennes où
ils se séparèrent, la femme n’a pas été
identifiée. Le lundi 20 avril à 13 heures 10, Lucien
Bigouret sortit de son domicile à 13 heures 10, il prenait
le métro à La Fourche, descendait à La Muette.
Il se promena dans le square pendant 45 minutes. Il y rencontra
Perrault qui disparut une quinzaine de jours avant le coup de filet
contre Édouard Altani, Jean Laffitte, Jean Lloubes et d’autres
résistants.
Arrêté le 16 juin 1942 par trois inspecteurs des Renseignements
généraux vers 20 heures alors qu’il conversait
avec Richard Ledoux au square des Arts et Métiers au 20,
rue de Réaumur à Paris (IIIe arr.). Il en appela aux
passants criant à plusieurs reprises « À nous
les patriotes ! » Maitrisé, il a été
emmené dans les locaux du commissariat de Puteaux (Seine,
Hauts-de-Seine).
Fouillé, il était porteur de : trois notes, une lettre,
une circulaire, un tract, un exemplaire de l’Humanité
et de la Vie ouvrière, de trois lettres dactylographiées,
un rapport manuscrit, deux tracts, six bouts de papier avec des
annotations, une feuille de papier blanc portant des noms, une bande
de papier portant la mention « P I + 30 », un texte
dactylographié intitulé « Comités de
préparation du 14 juillet », 1 550 francs, et un trousseau
de cinq clefs.
Son pavillon composé d’un rez-de-chaussée et
d’une cuisine situé 31 rue Henri-Martin à Vanves
(Seine, Hauts-de-Seine) a été perquisitionné.
Aucun document n’y fut découvert. La chambre qu’il
occupait 8, rue Dautancourt sous le nom de Mosnay a également
été perquisitionnée. Les policiers saisissaient
780 vignettes pour la solidarité, trente-deux stencils vierges,
44 brochures éditées par le Parti communiste clandestin.
Il répondit avoir les vignettes en « garde depuis six
mois » et les stencils depuis trois mois « j’en
remettais aux agents de liaisons qui m’en demandaient, dans
les cas urgents. » Quant aux 44 brochures « je devais
les remettre à un agent de liaison pour une constitution
d’archives. »
Selon ses déclarations il assura les liaisons, portait des
plis. Les policiers lui demandèrent pourquoi au moment de
son arrestation il cria à plusieurs fois « À
nous les patriotes ! » Il répondit « J’ai
crié ainsi, dans la rue, afin que le foule intervienne en
ma faveur, mais je n’ai pas insisté quand j’ai
constaté qu’il n’y avait aucune réaction.
»
Concernant les militants qu’il rencontra, il fut évasif.
« Il est possible que j’ai rencontré les personnes
auxquelles vous faites allusion et à la date que vous indiquez
mais je ne m’en souviens pas. » Concernant les résistants
qu’il rencontra et que les policiers n’identifièrent
pas, il ne s’en souvenait pas. Les autres Jean Laffitte et
Jean Lloubes, ils avaient été identifiés par
les policiers lors des rendez-vous. Il déclara que son amie
Doublet « n’était absolument pas au courant de
son action politique. »
Lors de sa comparution le 3 juillet 1942 devant le juge d’instruction
il confirma les déclarations faites à la police. Il
assuma ses actions : « Il est possible que j’ai été
en rapports avec des individus indiqués dans le rapport des
inspecteurs qui ont procédé aux filatures. Mais je
ne les connais pas sous les noms que vous m’indiquez. »
Il dédouana son amie Renée Doublet, elle « ignorait
tout de mon activité clandestine. »
Interné à la Santé jusqu’en mai 1943,
il fut condamné le 7 mai de cette année-là
à trois ans de prison et 1300 francs d’amende par la
Section spéciale de la cour d’appel de Paris pour infraction
au décret-loi du 26 septembre 1939. Transféré
à la centrale de Poissy, puis à Compiègne où
il fut déporté le 21 mai 1944 à Neuengamme
(Allemagne). Il mourut à l’infirmerie du camp le 14
février 1945.
Lucien Bigouret a été homologué au titre de
la Résistance intérieure française (RIF), lieutenant
des FFI en octobre 1950. Son acte de décès porte la
mention « Mort pour la France ». Son
nom a été gravé sur les Monuments aux morts
d’Issy-les-Moulineaux et d’Auxerre dans
l’Yonne.
https://maitron.fr/spip.php?article16708,
notice BIGOURET Lucien alias MOSNAY par Daniel Grason, Claude Pennetier,
Rémi Skoutelsky , version mise en ligne le 2 janvier 2019,
dernière modification le 10 mars 2022.