Gestion de l’eau : André Santini coule
(article paru dans le Journal Libération du 10 Octobre 2011
et signé Renaud Lecadre)


Après le Sénat, une citadelle plus discrète a basculé à gauche 29 septembre : l’agence gérant le bassin Seine-Normandie. Peu connue du grand public, elle gère en amont toute la chaîne d’alimentation et de distribution de l’eau, à destination de 18 millions d’usagers, de Cherbourg à Reims en passant par Paris.

L’élection était très politique, opposant deux candidats au profil particulièrement marqué : d’un côté Anne Le Strat, adjointe de Bertrand Delanoë à la mairie de Paris, ayant remunicipalisé la gestion de l’eau dans la capitale, autrefois déléguée au privé (les incontournables Suez et Veolia) ; de l’autre André Santini, député-maire centriste d’Issy-les-Moulineaux, président du Sedif (syndical intercommunal regroupant 144 communes de la banlieue parisienne), qui a pris la mauvaise habitude de confier systématiquement les clés de la citerne à Veolia.

Pour tout suffrage universel, 148 grands électeurs, dont une moitié d’élus locaux, l’autre représentant les usagers (dont un tiers d’industriels, le solde au nom des agriculteurs et ménages). Santini, président sortant après avoir succédé à Robert Galley (ancien trésorier du RPR ayant présidé l’agence de 1987 à 2005), partait grand favori à sa reconduction. Mais le suspens a été insoutenable : sur 142 suffrages exprimés, Santini l’emporte contre Le Strat par 71 voix… contre 70 et une abstention.

S’en est suivi un rappel au règlement : le président devait normalement obtenir la majorité plus une voix, soit 72. Il en manquait donc une à l’indéboulonnable Dédé Santini… D’où un second scrutin, à l’issue duquel Le Strat l’a emporté au finish par 73 voix contre 69. A la surprise générale.

Mauvais perdant ? Ce n’est que jeudi que le site internet de l’agence Seine-Normandie a publié le résultat, soit une semaine après le vote. Mais un recours reste possible : «Santini est en train de recenser tout élément permettant de contester l’élection», souligne un proche de Le Strat. Au risque de perturber le fonctionnement du machin : ce bon vieux Robert Galley (90 ans) vient de refuser de participer à une commission au motif que son nouveau vice-président est un écolo !

Pourquoi tant d’énervement ? La nouvelle équipe, à peine installée mais pas encore validée, vient de lever un étonnant lièvre. Les redevances pollution, théoriquement dues par les usagers industriels, sont en souffrance depuis 2008. A raison de 33 millions d’euros annuels, leur ardoise dépasse les 100 millions sans que l’ancienne direction de l’agence ne s’en émeuve plus que cela…

Selon un compte rendu du groupe industrie (au sein de l’agence) qui a été publié en janvier : «L’application informatique fonctionne, les redevances 2008 et peut-être 2009 seront traitées en 2011.» Les retards informatiques ont bon dos, comme en témoigne le représentant des industries chimiques, réclamant que l’agence «s’engage à ne pas réclamer de pénalités aux industriels en retard de paiement».

D’ou cet arbitrage final de Guy Fradin, ancien du cabinet de Roselyne Bachelot : «L’agence regardera ce qu’elle peut faire quand aux intérêts légaux en matière de pénalité de retard, mais les industriels n’auront pas à payer en 2011 à la fois leurs redevances 2008, 2009 et 2010.» Ici aussi il est peut-être temps d’en finir avec ces arrangements entre amis
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