BUDGET 2004

ORIENTATIONS BUDGETAIRES 2004

Séance du 6 novembre 2003

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Intervention du Groupe Communiste
Républicain et Citoyen

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Monsieur le Président, Chers Collègues,

Notre débat se situe dans un cadre politique inédit, avec le renouvellement de notre Assemblée en mars prochain.
Ainsi, du fait du nouveau mode de scrutin, la nouvelle assemblée régionale disposera d'une majorité absolue lui assurant la possibilité de mettre en œuvre pleinement le budget de son choix.

Nous sommes à l'heure de ces choix !

Notre groupe ne ménagera pas ses efforts pour que cette région reste à gauche.

Pour ce faire, ce budget doit être bien ancré à gauche, répondre aux exigences légitimes des franciliens, apporter des réponses concrètes aux aspirations de nos concitoyens.

Il ne peut s'agir, dans ces conditions, de continuer simplement dans la voie que nous avons tracée depuis près de 6 ans. Nous devons infléchir sensiblement la politique à mener en Ile de France, et donner à voir ce qu'il est nécessaire et possible d'entreprendre pour les prochaines années.
Déjà, il y a un an, nous parlions d'urgences démocratiques, sociales, économiques qui nécessitaient de faire preuve d'audace dans nos propositions et dans notre démarche politique, afin de tenir compte du message politique fort délivré le 21 avril. Le budget 2003 en avait d'ailleurs tenu compte.
Or, les franciliens sont toujours confrontés à de grandes difficultés.

Depuis 18 mois, la politique de Messieurs Raffarin/Copé, accentue terriblement les inégalités entre territoires et entre populations.

L'économie francilienne est marquée par une baisse des échanges extérieurs, une forte progression du chômage et un effritement de la consommation des ménages. Il est fort probable que le taux de chômage francilien dépassera le taux national, d'ici la fin de l'année. Avec la récession économique, c'est la régression sociale qui est en marche.

De plus, faute d'une majorité dans cette assemblée, nous n'avons pu aller aussi loin que nous l'aurions voulu. J'ai notamment, en tête, la période récente où les groupes UMP-UDF n'ont pas hésité à mêler, ponctuellement, leurs voix à celles du FN et du MNR pour rejeter des dossiers symboliques :
- le plan d'action pour l'emploi,
- la création d'un Conseil régional des jeunes,
- le subventionnement des syndicats des salariés.

Bien entendu, le groupe CRC propose de réinscrire ces objectifs pour le budget 2004.

La Région se doit d'être un lieu privilégié pour défendre le droit pour tous à l'éducation, à la culture, à l'emploi, à la santé, au logement, aux transports…
C'est pourquoi, nous ne pouvons qu'être contre le contenu de l'Accord Général sur le Commerce des Services, qui est actuellement en discussion dans le cadre de l'OMC. S'il aboutissait, ce serait une atteinte sans précédent, aux nombreux domaines liés à la cohésion sociale du territoire, au libre accès de tous à un service public de qualité, au principe d'égalité et de solidarité. En un mot, c'est le pouvoir même des Régions et l'avenir de leurs habitants qui seraient en jeu.

Le projet de constitution européenne s'inscrit dans cette perspective, puisque l'on peut y lire que les services publics ne sont qu'une dérogation à la libre concurrence, la Banque Centrale Européenne imposant la primauté des intérêts des marchés financiers.
Quant au texte sur la décentralisation, il entend participer de ce mouvement de destructuration du cadre national en organisant l'éclatement des services publics et la mise en concurrence des individus, des activités et des territoires.

C'est la même logique ultra-libérale qui traverse chacun de ces projets.

C'est une autre politique nationale qu'il convient de mener !
En Ile de France, cette politique se traduit par un désengagement de l'Etat dans des domaines qui touchent la vie quotidienne des franciliens, notamment dans des secteurs aussi sensibles que les transports, l'aménagement du territoire et le logement.

En refusant d'honorer sa signature, l'Etat bloque des projets du contrat de plan et contribue ainsi à l'aggravation des conditions de vie des habitants de notre région.
En renonçant à rembourser le département de Seine Saint Denis, des frais qu'il avait engagés pour la préparation de l'exposition 2004, l'Etat pénalise, une fois de plus, les contribuables, en leur faisant endosser une responsabilité qui ne leur revient pas.

En baissant de 9% le montant des crédits qu'il alloue au logement social et en continuant à spéculer sur des terrains lui appartenant, au lieu de les réserver à la construction, le gouvernement ignore la souffrance des dizaines de milliers de franciliens en attente d'un logement.
Pour nous opposer aux décisions prises à Bruxelles, au gouvernement, par les dirigeants du MEDEF et inverser cette tendance de financiarisation à outrance, nous proposons de libérer toutes les énergies et toutes les intelligences que compte notre Région.

Les Régions ont précisément un rôle fort à jouer pour constituer l'élaboration d'une nouvelle cohérence nationale, ouverte à l'initiative citoyenne, aux élus de terrain et à toutes les coopérations nécessaires infra et inter régionales, européennes.

C'est dans ce contexte qu'il nous faut appréhender le débat d'orientation budgétaire.
Le document qui nous est soumis met comme il faut, l'accent sur les nouvelles priorités, comme la formation professionnelle, le logement ou la solidarité envers les personnes âgées et celles en difficulté.
Mais très franchement, Monsieur le Président, l'ensemble nous apparaît quelque peu en décalage avec vos déclarations publiques, lorsque vous dites : " Cette politique commence à porter ses fruits, Il faut la poursuivre et l'amplifier ". Ou encore : " tous les engagements de 98 ont été tenus, mais cela ne suffit pas ".

S'il est vrai que depuis 1998, notre approche autour des dix priorités a été volontaire et s'est traduite par des avancées significatives, il est un peu trop court de dire que la volonté de l'exécutif pour 2004 est de " porter des projets à maturité ". Si c'est là, la moindre des choses, comme vous le dites : " cela ne suffit pas ".
Certes, nous avons tenu nos engagements et cela nous honore. Mais est-ce suffisant au regard des inégalités sociales, territoriales qui perdurent et qui demeurent insupportables pour les franciliens ?

Le bilan de la majorité relative de gauche est positif et le groupe CRC y a pris une part active.

Nous avons été ainsi à l'initiative sur la gratuité des livres scolaires et plus récemment sur la mise en œuvre du quotient familial dans les lycées ; sur la carte Imagine 'R dont nous avons fait voter l'extension de l'utilisation aux grandes vacances scolaires ; sur l'instauration du chéquier culture ; sur les actions du type " le droit aux vacances pour tous " ou " la bourse solidarité vacances ".
C'est là l'expression vivante de notre apport original, forts de notre sensibilité d'écoute du champ du social et de ce qui fait la vie quotidienne des franciliens.

Mais le quotidien continue de frapper durement à notre porte !

La transformation sociale nécessaire réclame des signes plus forts en termes de démocratisation de l'institution, de réformes profondes et de projets novateurs et audacieux. Convient-il alors de donner des signes plus tangibles, de porter des mesures qui aient un sens de radicalité plus marqué !

Dans ce sens, nous en appelons à des engagements concrets et significatifs dans le budget.

- Ainsi vis à vis de L'Agenda 21, outil essentiel pour fixer les modalités d'une démocratie participative digne de la première Région de France. Nous devons tout faire pour que les citoyens en soient, de bout en bout, les auteurs et les acteurs et de décider pour 2004 d'un plan de communication audacieux.

- La Région subit le ralentissement généralisé de la croissance avec son cortège de plans sociaux. La conjoncture mondiale, se fait plus ressentir en Ile de France, du fait de notre singularité (hautes technologies, place financière, présence de grands groupes très internationalisés et très financiarisés…).
Cette progression des licenciements est d'autant plus alarmante qu'elle accroît la population active pauvre. Nombreux sont les femmes et les hommes, les jeunes qui ne peuvent plus vivre décemment des revenus de leur activité.
Bien entendu, notre groupe se situe résolument aux côtés des salariés d'AVENTIS, du CNDP, de la Banque de France, de l'ONERA, de EADS…
Il est urgent d'appuyer la mise en œuvre de l'article 118 de la loi de modernisation sociale, dans les bassins d'emplois touchés par les plans sociaux. Et tout aussi crucial de favoriser la mobilité et la reconversion des salariés menacés par les plans de licenciement en sécurisant l'emploi par la formation, en responsabilisant tous les partenaires.

Nous insistons plus particulièrement sur l'installation de la conférence financière qui permettra de mutualiser des fonds publics et privés disponibles en Ile de France et de les mobiliser pour l'emploi, la formation, l'investissement productif.

- Apprendre, se former, travailler en Ile de France : voici un triptyque sur lequel nous travaillons depuis 6 ans et qui mérite de mobiliser toutes les forces vives de notre région, pour inverser la tendance de l'échec, des voies de garage, du chômage et de la précarité.

En créant des lieux de ressource, de capitalisation et d'expérimentations en direction des demandeurs et des emplois précaires, nous souhaitons renforcer, en termes quantitatif et qualitatif, la politique ambitieuse qui doit être la nôtre pour aider à une insertion rapide et durable dans le monde du travail. Des " Cyber Emploi " à la définition d'une vraie politique régionale d'insertion, jusqu'à l'aide aux associations de demandeurs d'emplois, il faudra mieux investir ce terrain du social et de la solidarité.

- En mettant au cœur du développement de la Région, son potentiel de recherche, en renforçant les pôles émergeants et en participant à tous les projets sur les sciences du vivant, les sciences humaines et sociales, les techniques de pointes… nous participons à l'ouverture de voies nouvelles, originales, structurantes pour maintenir, voire créer des activités aussi importantes que celles du médicament. Travaillons mieux les synergies entre les secteurs de la Recherche, des Universités et des Innovations Technologiques.

- En matière d'éducation, nous voulons pour le lycée du 21éme siècle entendre les besoins exprimés par la communauté scolaire (EPS, conditions d'accueil…) en promouvant une conception nouvelle de l'établissement, de son fonctionnement et de la place de chacun des participants à cette organisation.

- La qualité de vie des franciliens est également très liée à son environnement :

Notre ambition de développer une nouvelle écologie passe par une politique originale qui s'attaque aux inégalités sociales, territoriales et écologiques.
A cette fin, nous envisageons la construction de pôles publics du logement, de l'eau, de l'assainissement et du traitement des déchets.
Par exemple, nous devrions rapidement travailler à la réalisation d'un plan global des déchets qui serait un état des lieux de l'existant afin de tendre à concilier une politique du traitement des déchets efficace et une taxe sur les déchets raisonnables. Le développement durable, c'est aussi des choix en matière de transports qui prennent en compte les besoins immédiats des populations, sans obérer l'avenir pour les générations futures.

- Parler déplacements, c'est mesurer l'ampleur de ce qu'il faut faire immédiatement et, en même temps, inverser les logiques porteuses d'inconvénients majeurs.

C'est pour cela que nous nous positionnons pour le droit au déplacement en transports collectifs sur tout le territoire régional, quel que soit le lieu de résidence, avec une tarification accessible à tous. Cela implique une politique des transports mieux adaptée, plus équitable, en phase avec les attentes des salariés, les entreprises concernées, et les usagers dans toute leur diversité.

Nous avançons deux mesures phares sur lesquelles le budget 2004 doit, là aussi, donner des signes :
. La modification du zonage en créant, à terme, une zone unique à 46 euros pour toute la région.
. La gratuité pour les demandeurs d'emplois.

S'engager dans ce processus nous oblige à exiger :
. La réforme du STIFpour donner à cette structure, la possibilité de prendre des décisions qui se situent davantage en termes de prospectives.

. De même, la création d'une autorité régionale du transport du fret, pour étudier, proposer et réaliser des projets modifiant la situation.

- La canicule qui s'est abattue sur notre pays cet été, a révélé au grand jour l'état de dégradation de notre système sanitaire. A force de privilégier les critères financiers, au détriment de l'égalité d'accès aux soins, le service public sanitaire français est en crise. Depuis le plan Juppé, nous avons assisté à une succession de politique de restriction budgétaire, de suppression d'emplois, de structures de soins, de lits hospitaliers, de diminution des lieux d'accueil en urgence, de réduction du nombre de maternités et de quasi blocage des dotations de fonctionnement des établissements.

En urgence, nous devons réfléchir aux filières sanitaires et sociales à développer, à la définition d'une vraie politique régionale de formation concernant l'ensemble du champ du sanitaire et social.

- Alors même que le secteur de la Culture ne fait pas partie des compétences obligatoires de la collectivité régionale, le budget en 5 ans a été triplé.

Conscients que la vie culturelle de notre pays s'est construite sur la vitalité et la diversité des équipes artistiques qui travaillent dans les théâtres nationaux, comme à l'échelon local et dans les quartiers, nous voulons agir, dans le sens d'un rapprochement des créateurs et de leurs publics, en donnant la priorité au développement du spectacle vivant. Pour cela, il faut aussi s'en donner les moyens.

- Nous devons nous préoccuper rapidement de traiter de la problématique du logement social. La liste des demandeurs de logements s'accompagne des démolitions de logements sociaux sans prévoir de nouvelles constructions.

La Région doit prendre des mesures à son niveau pour lutter contre la politique de spéculation de l'état par la vente du logement social locatif sans garantie concernant son entretien. En un mot nous affirmons le droit au logement pour tous : locatif ou accession. La région ne doit-elle pas inverser la tendance qui est la sienne de privilégier le logement en PLI. Le débat est ouvert.

Monsieur le Président, Chers Collègues,

A l'évidence, ces pistes obligent, en partant des actions engagées, à mesurer et l'effort parcouru et ce qu'il reste à parcourir, pour aller à un budget qui soit le plus en phase avec les attentes du plus grand nombre.
Notre démarche se veut résolument constructive et notre groupe est disponible, dès lors que la volonté commune existe, pour produire du commun.
C'est ce qui guide nos choix.

Nos propositions n'ont pas d'autres sens que de permettre d'assumer pleinement nos responsabilités et de réussir dans l'intérêt du plus grand nombre.

Bien sûr, nous serons attentifs, Monsieur le Président, à l'écoute que vous nous apporterez.

Oui, si le bilan établi depuis 98 est un atout et le document d'orientation budgétaire une base, alors sachons être résolument plus audacieux pour faire que le budget 2004 exprime bien le courage et la volonté politique nécessaire qui doivent être les nôtres, pour être pleinement à la hauteur des défis immédiats et de ces prochaines années.

Bien entendu, vous l'avez compris, notre vote lors du budget découlera des signes tangibles qui nous serons délivrés dans les prochaines semaines.

Travaillons dans ce sens. Nous y sommes prêts.

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