Mémoire isséenne et communiste


 

 

Intervention de Guy Ducoloné, lors de la cérémonie de l'anniversaire de la Déportation à Issy les Moulineaux
(dimanche 25 avril 2004)


Sur les listes établies par la Fondation pour la mémoire de la déportation figurent les noms de plus de 85000 femmes et hommes, déportés dans les camps de concentration nazis. Moins de 40000 revinrent en 1945. A cette liste s’ajoute celle des 75000 enfants, femmes, hommes et vieillards partis de Drancy vers Auschwitz et Birkenau. Ils étaient déportés parce que juifs. Seuls 3 à 4000 d’entre eux sont rentrés.

Soixante à soixante-trois années sont passées selon la date des départs. Le temps a fait son œuvre. Et pourtant…

Il y a des visions que l’on ne peut oublier :
- les morts ramassés le matin devant les baraques, mis sur une charrette pour le crématoire
- la fumée de celui-ci
- les files de bagnards partant au petit jour pour un travail exténuant durant 10 à 12 heures

Il y a aussi les espoirs d’alors qui font durer, surtout lorsque en juin, on apprend le débarquement en France, ou en août la Libération de Paris.

Il y a aussi une angoisse. Qui croira ce que nous avons supporté ?

Il y a enfin la volonté pour certains de ne cesser la lutte qu’après la défaite totale du nazisme et l’élimination des idées et des actes fascistes, antisémites, racistes. Combien restons-nous aujourd’hui pour rappeler cela et pour convaincre qu’il s’agit d’un combat de civilisation ?

Et pourtant, ce sont des millions de femmes et d’hommes qui furent déportés, dès 1933 pour les Allemands, 1936 pour les Autrichiens, 1938 pour les Tchèques et 1941 pour les Soviétiques, et dès cette année-là des Français, notamment les mineurs grévistes du Nord et du Pas de Calais.

D’autres, massivement dans des grands convois en 1943 et 1944.

C’était l’époque où Hitler, avec ses lourdes pertes sur le front de l’Est, avait besoin de main d’œuvre pour sa production de guerre. Il vidait alors les prisons de leurs détenus politiques, dans l’Europe occupée, pour des camps de concentration et les utiliser dans les usines.

En même temps, il déportait des hommes et des femmes qui participaient, avant leur arrestation, à la Résistance en France. Dans une très grande majorité, ils réussirent à garder la tête haute. Dans ces camps où ils n’étaient que des numéros, ils refusèrent de se laisser ensevelir. Ils et elles étaient pour la plupart dans les usines où, au risque de leur vie, ils ralentissaient la production, ils sabotaient autant qu’ils le pouvaient.

En fait, ils et elles n’acceptaient pas d’être des esclaves.

Certes, ils furent des centaines de milliers venus des divers pays d’Europe occupée qui furent massacrés, épuisés, brûlés. Mais pour le plus grand nombre, c’était à leur façon des combattants.

C’est leur mémoire, c’est le souvenir de ces années terribles que nous célébrons aujourd’hui. Cela a fait 50 ans, le 14 avril, que le Parlement décida de faire du dernier dimanche d’avril une « journée de la Déportation ». Cela se manifeste par les fleurs déposées aux monuments et plaques rappelant le souvenir des héros et héroïnes, par des expositions, telle celle qui sera inaugurée dans quelques instants avec les dessins réalisés à Ravensbrück par notre camarade Eliane Jeannin-Garreau.

Cela se manifeste par le concours annuel où participent les élèves de nombreuses écoles, le Concours national de la Résistance et de la Déportation.

Les rencontres que nous avons avec les filles et les garçons dans les écoles montrent qu’avec le souvenir, s’ajoute l’idée que l’on peut et que l’on doit agir pour que la bête immonde – avec ses cortèges racistes, xénophobes, antisémites – soit totalement terrassée.

Ce rassemblement sans cesse renouvelé pour la journée de la Déportation souligne que nos efforts ne sont pas inutiles.

 

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