SOCIAL: PERSONNES AGEES

CONSEIL GENERAL
DES HAUTS-DE-SEINE

REPUBLIQUE FRANCAISE
LIBERTE - EGALITE - FRATERNITE
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SEANCE DU CONSEIL GENERAL
DU 24 OCTOBRE 2003

RAPPORT N° 03.214

"PLAN VERMEIL 92"
PLAN POUR LA GESTION DES CRISES
POUVANT AFFECTER LA SANTE DES PERSONNES AGEES OU VULNERABLES

 

INTERVENTION DE MICHELE FRITSCH

Concernant ce Plan Vermeil, j'aurai une première remarque à faire sur la forme.

Vous demandez aujourd'hui, Monsieur le Président, à notre assemblée d'adopter ce Plan que vous avez déjà présenté le 15 septembre et qui a été largement médiatisé. Nous sommes mis devant le fait accompli. C'est une étrange conception de la démocratie.

Ne pensez-vous pas que les événements tragiques de cet été et les mesures qui doivent en découler auraient mérité une réunion exceptionnelle de notre assemblée?

Voilà pour la forme. Quant au fond, je voudrai rappeler les enseignements qu'il nous semble nécessaire de tirer du drame vécu cet été.

Ce drame a montré l'ampleur des dysfonctionnements, dans notre pays et particulièrement en Ile de France, à faire face à une crise, que ce soit la canicule, mais qui pourrait être demain une épidémie, qui a frappé les personnes les plus fragiles et les plus vulnérables parmi les personnes âgées et celles en très grande précarité.

Il est indigne et faux de vouloir, comme a tenté de le faire le gouvernement, rejeter les responsabilités sur l'administration ou le manque de solidarité des citoyens. La Caisse Nationale d'Assurance Vieillesse a d'ailleurs indiqué à ce sujet qu'à domicile 83 % des personnes dépendantes bénéficient d'une aide de leur famille et 10 % d'une aide de leurs amis.

En vérité le drame de cet été a été le révélateur de la grande misère de la gériatrie française et du système de santé victime des régressions occasionnées par la logique comptable des dépenses de santé.

Ainsi, comme l'avait rappelé ma collègue Catherine Margaté le 15 septembre dernier, depuis de nombreux mois, les urgentistes, les personnels de santé avaient prévenu de la gravité de la situation : dégradation des conditions d'accueil, réduction de l'offre de soins, suppression de 7 775 lits de 1994 à 2004 en Ile de France, d'après le schéma régional d'organisation sanitaire et le manque chronique d'infirmières, ont enlevé toute marge de manœuvre à notre système de santé.

Depuis 20 ans, la santé est gouvernée avec une seule et unique boussole, celle dite de la maîtrise comptable. Cette politique a fini par ignorer les besoins de santé et par ne plus donner à l'hôpital public les moyens d'assumer son rôle de soins, son rôle de pivot d'une politique de solidarité dans notre pays.

Réduction des moyens de santé notamment en matière de formation du personnel avec le relèvement du numerus clausus, disparition d'hôpitaux de proximité, gels de crédits d'Etat, pour la modernisation des maisons de retraites comme pour le financement de l'APA...

Toutes les déficiences accumulées depuis des années au nom d'une "maîtrise comptable" de la santé des français ont pesé lourd tout au long de ces semaines de canicule.

A l'évidence, ce sont bien les choix politiques qui sont en cause.

Mais, à l'évidence, les leçons ne semblent pas à ce jour avoir été tirées par nos gouvernants.

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2004 augure bien mal d'un début d'amorce de réponse. De même, le plan hôpital 2007 visant à ouvrir les hôpitaux aux fonds privés et à mettre en concurrence l'hôpital public et le privé visera à choisir les maladies dites rentables et le démantèlement de l'APHP va dans le même sens. On parle finances, on ne parle plus de service public.

Répondre aux besoins de la population, et notamment aux besoins nouveaux liés à l'allongement de la durée de vie, nécessite à notre avis de tourner le dos à cette logique financière, à transformer profondément notre système de santé, à se donner les moyens d'une grande politique en faveur des personnes âgées.

Cela passe par des moyens accrus à l'hôpital public, par la réouverture de lits d'hospitalisation et par un plan de formation et de recrutement d'envergure de personnels médicaux, paramédicaux, d'infirmières.

Cela est nécessaire pour l'hôpital tout comme pour les maisons de retraite qui ont vu un doublement des décès. Avec un taux d'encadrement de 0,4 agents par lit, bien inférieur à la moyenne européenne qui est de 0,8, cette question du manque de personnel est primordiale.

Selon les professionnels, il faudrait embaucher 250.000 personnes, ce qui fait dire à Pascal Champvert, président de l'Association des directeurs d'établissements d'hébergement pour personnes âgées : "ce que nous demandons, c'est 7 milliards d'euros le plus rapidement possible. L'urgence ce n'est pas tant de mettre la climatisation partout que de doter nos maisons de retraite de personnel suffisant. Nos patients sont morts à la fois de la chaleur thermique et du manque de chaleur humaine."

Le report une nouvelle fois du plan gouvernemental "vieillissement et solidarité" inquiète à juste titre les représentants des milieux professionnels qui s'interrogent sur les moyens qui seront finalement consacrés.

Enfin, vivre plus longtemps et en bonne santé dans des conditions dignes de notre époque demande :

- la création d'un service public garantissant des conditions de vie dignes au troisième et au quatrième âge,
- d'intégrer l'APA dans le champ de la sécurité sociale, de le financer par des cotisations "assurance perte d'autonomie" à la charge des employeurs et des salariés, à partir des richesses créées dans les entreprises,
- Concernant notre département : je renouvelle la proposition faite en juin dernier par notre groupe, de mettre en place une allocation départementale d'autonomie visant à couvrir la prise en charge des aides à domicile dès le dépôt du dossier.

Au-delà des questions essentielles posées par la politique actuelle du gouvernement à propos desquelles nous continuerons de mener des actions vigoureuses, le département et les communes sont, dans le cadre de leurs compétences, concernés par ce grand débat de santé publique.

Ainsi, le schéma gérontologique, auquel doivent être associées les communes, devra tenir compte de la catastrophe de cet été et en tirer les enseignements et les mesures nécessaires.

Concernant le Plan Vermeil, nous l'approuvons globalement comme étant des mesures immédiates d'urgence, sachant qu'il ne peut être la seule réponse aux énormes besoins.

Nous avons toutefois un certain nombre de remarques à formuler sur ce plan.

Il nous semble que parmi les mesures immédiates aurait dû figurer un accroissement de l'aide du département pour la création de coordinations gérontologiques et pour le fonctionnement de celles-ci, comme des CLIC et des CCAS.

Le département en 2002 a apporté son aide à 7 coordinations gérontologiques pour un montant de 166 170 euros.

Cette aide devrait à notre sens être accrue, car ces structures, avec les CCAS, sont des structures de proximité les mieux à même de repérer les besoins des personnes âgées à domicile. Encore faut-il qu'elles aient les moyens non seulement de répondre aux demandes qui leur sont faites, mais d'aller au-devant - comme le suggère très justement le CODERPA qui a formulé une série de propositions que nous approuvons pleinement : il faudrait pouvoir repérer toutes les personnes à risque, vulnérables ou seules, non prises en charge par les services professionnels ou associatifs - et pour ce faire s'appuyer sur les acteurs de la vie quotidienne : gardiens d'immeubles, voisins, bénévoles, commerçants, facteurs, médecins, pharmaciens. Cela pourrait aussi se traduire par un emploi "d'accompagnant" dont la mission serait de dépister et d'aller vers les personnes âgées de façon systématique.

Ma deuxième remarque concerne les établissements visés par ce Plan. Il faudrait que l'ensemble des établissements accueillant des personnes âgées puisse bénéficier des mesures de ce Plan, y compris les foyers logement.

Troisième remarque, il faudrait pouvoir, si nécessaire, accueillir dans les établissements bénéficiant d'une climatisation de façon ponctuelle les personnes âgées du quartier.

Quatrième remarque : concernant la maltraitance des personnes âgées, nous approuvons la création de l'association SOLRES. Il reste toutefois la question de disposer de personnels qui puissent, à partir d'un signalement, aller sur place en cas de besoin.

Ma cinquième remarque concerne la lutte contre la solitude des personnes âgées.

Si la création des forums seniors nous semble intéressante, il faut toutefois pour que ces initiatives aient une efficacité pas seulement ponctuelle, qu'ils s'inscrivent dans un projet global en amont et surtout en aval pour poursuivre l'action dans la durée sur le terrain.

Enfin, et ce sera ma dernière remarque, l'opération de parrainage des personnes âgées par des collégiens ou des lycéens formés pour leur intervention auprès des personnes âgées nous laisse très sceptiques.

Quelle serait la nature de leur intervention ? Il nous semble que le lien le plus approprié avec les personnes âgées reste des personnels qualifiés qui ont une compétence professionnelle sachant apprécier une situation.
Ce qui passe par des moyens financiers accrus des structures dont dépendent ces personnels.

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